À l’initiative du label discographique Le Palais des Dégustateurs et de son producteur Éric Rouyer, parrainé par le Domaine de la Romanée-Conti, la maison Louis-Jadot et le Domaine Puig, un « Festival Magnard » a eu lieu au couvent des Jacobins, à Beaune, le 25 novembre 2018.
Le couvent des Jacobins
Presque toute la musique de chambre (à l’exception du Quintette pour piano et vents), ainsi qu’une bonne partie des poèmes en musique d’Albéric Magnard était programmée (voir ici). Malheureusement, les musiciens du Trio Palmer sont restés bloqués à Lyon, et n’ont pu venir.
Le matin, après un splendide Quatuor de Debussy, le Quatuor Béla jouait pour la première fois celui de Magnard. Ils en ont donné une interprétation en tous points extraordinaire, avec un souci de l’équilibre remarquable, une texture aérée, de très belles conduites de lignes. Ce Quatuor, considéré comme le sommet de la musique de chambre de Magnard, ne se dévoile pas à la première écoute. Mais le Quatuor Béla a su en donner une lecture immédiatement perceptible.
Le Quatuor Béla : Julien Dieudegard, Frédéric Aurier, Julian Boutin et Luc Dedreuil
Toute la journée était ponctuée par des extraits de la Correspondance d’Albéric Magnard, lues avec beaucoup de subtilité par le comédien Éric Wolfer, et par de courtes pièces pour harpe de Debussy, Caplet et Fauré, interprétées avec une musicalité exemplaire par Adeline de Preissac. Voilà qui apportait, d’une part un éclairage passionnant et complémentaire sur la personnalité de Magnard, et d’autre part de bienvenues respirations musicales dans un programme très dense.
Éric Wolfer et Adeline de Preissac
Après une pause déjeuner où de grands vins étaient proposés, le professeur Pierre Magnard, petit-neveu du compositeur et éminent philosophe, a donné une conférence sur le thème « Albéric Magnard et la musique « pure » ». Ce n’est sans doute pas, ici, le lieu d’essayer d’en résumer le contenu ; et ce serait bien difficile, tant le propos était élevé et profond. Mais pour bien comprendre l’esprit de cette journée il faut savoir qu’il y a soixante ans, dans la première classe qu’a eue en charge Pierre Magnard, il y avait un jeune élève, aujourd’hui à la tête du Domaine de la Romanée-Conti : Aubert de Villaine. Si les deux hommes s’étaient perdus de vue, ils étaient restés présents dans le cœur l’un de l’autre, ainsi qu’ils l’ont raconté de façon aussi simple qu’émouvante.
Aubert de Villaine et Pierre Magnard
Puis est venu le moment des Poèmes en musique, avec au piano une des musiciennes les plus réputées actuellement dans cet exercice : Anne Le Bozec.
D’abord avec des extraits de l’Opus 3 (Ad Fontem Bandusiae, Invocation et Nocturne, c’est-à-dire ceux pour voix de soprano), merveilleusement interprétés par Marie-Laure Garnier. La voix est superbe, puissante et claire, et a rendu parfaitement les différentes couleurs de ces trois textes (le premier d’Horace, les autres de Magnard lui-même) qui rendent hommage à la nature, et tout particulièrement aux arbres.
Anne Le Bozec et Marie-Laure Garnier
Puis avec l’ensemble du cycle de l’Opus 15, au poignant caractère autobiographique (tous les textes sont du compositeur) : il y évoque la mort de sa mère, la rencontre de sa femme, la naissance de sa fille, et sa propre mort. Ces poèmes ont été chantés avec une grande force de conviction par le baryton Didier Henry.
Anne Le Bozec et Didier Henry
Pour clore cette journée exceptionnelle, les deux sonates d’Albéric Magnard, dans l’ordre chronologique inversé.
Après un douloureux Largo de Jean Cras, Alain Meunier et Anne Le Bozec nous ont offert, avec la complicité et la hauteur de vue qui les caractérisent, une Sonate pour violoncelle et piano intense et altière.
Anne Le Bozec et Alain Meunier
Et enfin, la longue, mais ô combien sensible et merveilleuse Sonate pour violon et piano, sous les doigts experts (il l’a enregistrée, pour le Palais des Dégustateurs, avec Gérard Poulet) de Jean-Claude Vanden Eynden, toujours aussi infaillible musicien. Sa partenaire était Chouchane Siranossian ; sa sonorité est lumineuse, et sa palette de dynamiques d’une rare richesse.
Jean-Claude Vanden Eynden et Chouchane Siranossian